Archives de l’auteur : Manon Rousseau

Un souhait!

Début 2019, j’écrivais ceci en guise d’intention pour l’année à venir: « Et si j’avais l’audace de dire oui, de tout accueillir, de ne pas intervenir, de ne rien contrôler, juger ou réprimer, si j’acceptais d’ouvrir les bras, les mains et le cœur à ce qui se présente, sans discriminer ou déterminer ce qui est bon ou non, ce qui devrait être vécu, ressenti, apprécié, estimé. Et si je disais oui à la fragilité, la vulnérabilité lorsqu’elles se pointent le bout du nez. » https://www.manonrousseau.com/2018/01/juste-oui Continuer la lecture

Entre tradition et transmission…

Onguent en devenir

La première neige et le vent du nord sont arrivés, j’ai rentré les dernières carottes du jardin, trié les graines de fenouil séchées, les ai mis en pots et j’ai préparé l’onguent à la consoude, au millepertuis et au souci.

J’apprécie de nouveau la soupe chaude qui mijote et embaume la maisonnée. Tous ces gestes simples qui sont posés depuis des siècles et des siècles et transportent tant de sagesse et de savoir. Chaque fois que je les exécute, je me sens messagère d’une longue lignée. Voilà pourquoi, j’aime tant cultiver et récolter les herbes qui vont nous soigner tout au long de l’année ou préparer un onguent venu d’un ancien savoir, parce que c’est plus grand que moi, c’est le fruit d’une tradition qui a demandé de la passation. C’est un héritage qui me vient de loin et de ce fait, je ressens de la fierté à perpétuer ces gestes, à poursuivre un travail  nourri de millénaires d’expérimentation.

Cela explique aussi pourquoi j’aime tant les rituels, autant ceux qui existent que ceux que l’on réinvente. J’aime m’agenouiller pour prier, j’aime communier avec ce quelque chose qui me dépasse, mais qui ne m’est pas étranger (1), j’aime chanter des hymnes et me laisser prendre par la beauté des chants dans une vieille église plus que centenaire. J’aime les fêtes de Noël, pour le rassemblement, la fabrication de biscuits au gingembre qui nous tisse encore plus serré, le partage et la tradition, même si ma tourtière est sans gluten et végétarienne. J’aime la fête des pères, des mères, Pâques, etcétéra, parce que c’est encore et toujours l’intention qui compte et que j’aime offrir et manger du délicieux chocolat avec les tous petits.

  • Dernièrement, j’ai célébré un mariage, je me suis mise au service d’un magnifique couple qui souhaitait donner du sens et du « spirit » à leur engagement. Nous avons concocté ensemble un rituel poétique, porteur de traditions ancrées dans la modernité et le passé. Une cérémonie empreinte de présence où l’on retrouvait, à la fois des gestes qui ont traversé le temps et d’autres que l’on réinvente et qui ouvre de nouveaux chemins, dont :
  • Le rituel des mains liées qui nous vient des celtes;
  • Les promesses et engagements venues droit du cœur et prononcés devant la famille et les amis. Toutes ces personnes qui deviennent par le fait même, les gardiens et témoins les de cette union;
  • L’échange des anneaux, pour symboliser le cercle qui n’a pas de fin et dont la source remonte à l’ancienne Égypte, où l’on croyait que l’annulaire et le cœur était relié par une veine, la « vena amoris », la veine d’amour.
  • Les intentions de toute la communauté, inscrites une à une sur de jolis galets. Le dessein étant que nos amoureux engrangent et se remémorent tous les vœux de cette journée bénie, quand viendront les jours de tempête.

Bref, depuis quelques temps, je me promène avec une conscience plus aiguisée entre ce qui nous vient de nos ancêtres et ce que je souhaite léguer à ceux qui suivent.

Ainsi, l’âge que j’ai, le fait que je sois grand-mère et à un moment de ma vie où je suis le pont entre les anciens et la relève, tout cela contribue à ce que je me sente de plus en plus dans un élan de passation et de véritable affection pour les petits et les grands.

De g à d. moi, mon père, ma mère, Lyette, Jacques et Daniel

Je me surprends devant les photos de mon enfance à rire de cette petite déjà si déterminée que j’ai été et à regarder le tout avec une immense tendresse. Je ne ressens presque plus de ressentiment ou de réminiscence devant les blessures d’enfance, que de plus en plus d’amour et de reconnaissance pour tous ceux qui m’ont entouré. Qui a dit que l’on devenait véritablement adulte lorsque l’on était guéri de son enfance, j’y souscris.

Ainsi, après avoir œuvré à faire la paix avec mon histoire, avec l’héritage et la lignée dont je suis issue, après avoir pris soin de dépoussiérer, d’assainir et de polir ce qui devait l’être, me voici attentive aux legs que je veux laisser. Une terre, un coin de jardin, une parole, des gestes, qui soient de plus en plus fécondé de joie, de magie, de bonté, de bienveillance, de justice, de beauté et surtout, surtout d’amour. Comme un souffle léger et doux qui agit et rejoint toutes les manifestations d’amour présentes en ce monde. Je ne dis pas que ce soit facile ou que j’y arrive, mais c’est ce qui m’habite…

Manon Rousseau / 23 novembre 2019

 

  1. Source: Éric Emmanuel Smith

 

 

Bon voyage mononc Raymond!

« Je suis passé de l’autre côté.
Ce que j’étais pour vous, je le suis toujours.
Donnez-moi le nom que vous m’avez toujours donné.
Priez. Souriez. Pensez à moi.
Que mon nom soit prononcé, comme il l’a toujours été,
Le fil n’est pas coupé. Je ne suis pas loin.
Vous retrouverez mon cœur,
Vous retrouverez toutes mes tendresses.
Je suis seulement passé de l’autre côté. » Saint-Augustin Continuer la lecture

Chemin de célébration!

«Il le faut avouer, l’amour est un grand maître. Ce qu’on ne sut jamais, il nous enseigne à l’être». Molière.

Depuis quelques semaines déjà, mon amoureux et moi parlons et anticipons, qu’à la mi-mars, nous célèbrerons nos 40 ans d’histoires communes, de notre rencontre à aujourd’hui. C’est touchant 40 ans, c’est aussi vertigineux, tant de le vivre que de l’assumer et de mettre des années sur les expériences d’amour et de désamour vécues ensemble. Continuer la lecture

Bonté, gentillesse, compassion: Douces sœurs.

Depuis que je suis toute petite, je ressens souvent profondément, ce que les autres éprouvent, allant de la joie, à la colère, à la souffrance et tout le tralala. Semble-t-il, ai-je lu dernièrement, que ce soit le lot des hypersensibles, et hypersensible je le suis, assurément. Tant aux bruits, qu’aux paroles, à la violence, à la souffrance, à la beauté, qu’à la nature, la musique, aux êtres vivants, etcétéra. C’est un magnifique cadeau qui me demande conscience et attention tant dans son dévoilement que dans ses manifestations.

Cette sensibilité à l’autre, a souvent eu pour effet de me mettre en action. Ce qui fait que si vous vous mouchez ou que votre nez coule, je vous tends un mouchoir et vous donnerai probablement un truc d’herboristerie pour que votre situation n’empire pas et si vous êtes un proche, il y a une bonne chance que je vous offre un bon pot de soupe maison. Si vous tombez, je vais de ce pas chercher mon onguent miracle aux herbes ; si vous pleurez, je vais demeurer là attentive près de vous, ou vous bercer, attendant que vous soyez consolés; si vous chantez un chant doux ou puissant, j’ai de bonnes chances que les larmes me montent au yeux et que j’ai la gorge nouée ; si vous criez fort après quelqu’un, je souhaite aller le secourir et si c’est après moi, je n’ai qu’une envie, celle de fuir. 

Bref, devant la souffrance, la maladie, la détresse, je suis assez secourable, parfois trop, je ne suis pas travailleuse sociale par simple hasard. Ce qui fait qu’à certains moments, lorsque je suis enrhubée et balade, je rêve en cachette qu’un pot de soupe atterrissent par quelques heureux miracles sur ma table de cuisine, ou encore d’une main ou d’un mot compatissant et lorsque cela ne se passe pas, je me sens parfois bien misérable. Ainsi, j’ai expérimenté plus d’une fois les excès de mes prédispositions naturelles.

J’ai bien compris le principe le jour où un prof d’université, nous avait offert un enseignement sur le niveau de responsabilisation de chacun. Or, il disait en substance ceci : Sur une ligne droite, nous nous retrouvons positionner aux deux extrémités, à un bout ceux considérés comme irresponsables et à l’autre ceux estimés comme étant hyper responsable.

Irresponsable  _________________________________________ Hyper responsable

En gros et en prenant des raccourcis, les irresponsables étant ceux qui ne sentent responsables de rien, qui croient que les autres sont fautifs, qui blâment la vie, la société, leur enfance, leur professeur, etc. bref, ceux pour qui, ce n’est pas leur faute. Quand aux hypers responsables, évidemment, ils se condamnent en premier, s’excusent à l’avance ou plutôt 2 fois qu’une, cherchent ce qu’ils pourraient faire, s’ils en ont fait assez, s’ils auraient pu en faire plus, bref, c’est de leur faute. 

Bien sûr, à cette époque, je me situais à l’extrémité du spectre dans la catégorie hyper responsable et j’étais convaincu que j’étais bien meilleure que ceux qui se victimisent sans cesse. Or, ce professeur de nous rappeler, que d’un bout à de l’autre de l’échelle, nous étions tous gravement atteints. Pour chacun des protagonistes, l’objectif étant le même : que chacun fasse un bout de chemin afin de se rejoindre au milieu. Vous l’avez compris, les personnes irresponsables ayant à prendre davantage leur responsabilité et les hypers responsables à cesser de prendre celles qui ne leur appartiennent pas.

Depuis cet enseignement que je n’ai jamais oublié, je suis plus humble devant ce trait de caractère qui est le mien, je ne m’en enorgueillis moins. Je dois aussi demeurer très attentive devant ceux qui se posent en victime, car je fais encore des irruptions, dans le sens de boutons et d’interventions. J’apprends depuis plus de 50 ans à jongler avec bonté, gentillesse, empathie et compassion, sans que les balles ne s’entremêlent pour devenir aide, protection et sauvetage. J’ai un rappel très puissant pour m’aider en ce sens, « m’a-t-on demandé mon aide » ? Sans demande, aucunes interventions. Bien sûr, je me prends encore les pieds dans les fleurs du tapis, ça m’est arrivé dernièrement. Cependant, c’est de plus en plus rare, bien que je sois encore pleine de bonne volonté, je suis aussi plus fatiguée. La sagesse vient avec la fatigue, nous disait le grand Languirand.

Malgré tout, je vous fais un aveu : je préfère encore ceux qui en font un peu trop, au risque de se tromper, à ceux qui se retirent en jouant les offensés, que voulez-vous, chez moi c’est inné.

Et puis, il me semble que ce monde a tant besoin de bonté, de gentillesse, de « caring », d’attention les uns pour les autres. Rien ne me touche plus qu’un seul geste ou un regard empreint de bonté. La bonté est ce qui m’émeut et me chavire le plus. J’aime la bonté en film, en livres, en amour, en poésie, en nature, en vraie de vraie. De la bonté tout est à naître : la fraternité, l’altruisme, l’indulgence, la mansuétude, l’amabilité, la bienveillance, la générosité, enfin tout ce qui donne du sens à nos relations et nous sort de la fermeture, du jugement, de la dureté, de l’égoïsme et de la barbarie.

C’est d’ailleurs l’un des cadeaux de ce que l’on nomme hypersensibilité, car c’est de ma révulsion à la hargne, à la violence et à l’inhumanité, qu’est née mon amour et mon désir de bonté et de tout ce qui en découle.  

Manon Rousseau
Février 2019