Pour cette dernière journée de l’année, j’ai le nez bouché, la gorge enflée et du mucus qui se promène du nez aux bronches et me tient dans un état de semi zombitude. Entre 2 frissons, trois atchoum bien sentis, je bois mon infusion (achillée millefeuilles, gingembre, thym, guimauve et fleur de sureau), me parfume à l’eucalyptus radié et au sapin baumier et prend une petite shot de Drastix (hydrate du Canada, astragale, etcétéra), une teinture mère composée de plantes médecines aussi robustes que notre hiver québécois…
Et comme à chaque fois que je me soigne avec les plantes, je pense aux premiers hommes, aux
premières femmes serait plus juste, car ce sont elles qui au début du monde, se sont penchées vers la terre et ont goûtées, crachées, mâchées, expérimentées pour soigner et connaître les plantes, une à une, mélangeant leur sève dans une communion d’âme et de corps… Je suis chaque fois ébahi de ce savoir transmis au fil du temps, passation rituelle de guérisseuse en guérisseuse afin de perpétuer notre espèce. Mon cœur et mon corps sont empreints de gratitude pour ces plantes qui se donnent depuis des siècles et des siècles, amen, pour notre plus grand bien…
Ainsi, au cœur de l’hiver, les plantes que j’ai cueillis, geste millénaire de grand-mère, m’infusent et me soignent. Bien sûr, cela demande du temps et du retrait, mais n’est-ce pas ce que le corps demande pour se guérir lorsqu’il a à se défendre contre une invasion de microbes et /ou bactéries. D’ailleurs,
quiconque s’arrête un peu, ressent le combat que le corps livre lorsque notre système immunitaire se met en mode attaque pour nous défendre contre l’ennemi… J’honore cette machine de guerre qu’est notre système immunitaire et lui donne un petit coup de main en l’inondant de thym, qui augmente la force des leucocytes, ces guerriers immunitaires de première ligne. Lorsque les leucocytes passent par le thymus, il deviennent des leucocytes T, augmentant ainsi leurs forces au combat. Or, le thym favorise et dynamise ce processus. Je me suis d’ailleurs souvent demandé si son nom «thym» n’était pas un dérivé de thymus?
Voilà, une autre histoire de plantes, qui illustre à la fois leurs forces et leurs pouvoirs. Lorsque je les raconte, je me sens comme une passeure, je suis heureuse qu’elles vivent dans votre imaginaire et que ces anciens savoirs se faufilent à travers moi. De tout temps, à l’aube d’une nouvelle année, nous avons coutume de nous souhaiter la santé. Or, l’un de mes souhait de santé, serait que vous vous approchiez doucement d’au moins une plante cette année. Les plantes sont comme des amis, plus nous les fréquentons, plus nous développons un lien avec l’une ou quelques unes d’entre elles, plus elles se donnent et plus nous recevons tous les cadeaux qu’elles ont à offrir.
Ainsi, par exemple, prenez pendant quelques mois une infusion de jolie mélisse à l’odeur de citron, doucement, elle défera tous vos spasmes, musculaires, nerveux et stomacales, elle calmera vos nerfs et vos estomacs fatigués et vous infusera de sa douceur et sa capacité à tout accueillir. Elle est comme ça mélisse, elle nous aide à nous adapter à ce qui est, c’est une plante de bonheur. Qui plus est, elle est utile pour les lendemains de veille. Tant de présents dans une seule plante…
Parlant de cadeaux, en voici un autre : Millepertuis : « l’herbe de la Saint-Jean », « herbe aux piqûres », « chasse-diable », « herbe à mille trous », « cette petite merveille se présente sous de nombreuses identités. Le millepertuis c’est une plante de soleil. Ses fleurs sont d’un jaune vibrant, lumineux. Il domine le solstice d’été, le millepertuis est à son plus beau et à cueillir à la Saint-Jean-Baptiste. C’est une plante solaire, qui au cœur de l’hiver, nous réchauffe, dans le corps et dans le cœur. C’est une plante du plein coeur de l’été qui devient notre ultime alliée l’hiver, quand la dépression saisonnière frappe ceux qui sont plus sensibles aux manques de lumière.
Le millepertuis est antidépresseur, utile pour l’angoisse, l’irritabilité, les troubles de sommeil, la dépression, l’émotivité, la tension, le stress, le surmenage. Il tonifie et fortifie le système nerveux, mais sans l’exciter, il est donc utile pour les troubles concentration et l’hyperactivité. Pour les anglophones, elle est St.John’s Wort, mais également « Merveille ou Grâce de Dieu » (Gods’ Wonderplant, Grace of God). C’est dire tout le respect qu’on lui porte. Le nom latin Hypericum vient du grec et signifiait: « qui chasse les fantômes ». Au Moyen Âge, les docteurs savants lui avaient donné le nom de Fuga doemonium, excusez mon latin, qui veut dire chasse-diable, parce qu’on lui attribuait le pouvoir d’éloigner les esprits diaboliques ainsi que les sorcières. C’est fascinant parce que la plante a des propriétés antidépressives. Or, au Moyen Âge, la dépression et tous les autres troubles mentaux étaient considérés comme des formes de possession diabolique.
Et comme un miracle ne vient jamais seul, son huile qui est très simple à faire est anti-inflammatoire, antispasmodique, astringente (ce qui veut dire qu’elle resserre les tissus), expectorante (fait sortir le méchant), relaxante, et guérissante pour la peau, particulièrement en cas de brûlures. On l’utilise en friction, en massage, enveloppement et on peut l’appliquer sur une plaie ouverte. Le millepertuis; de l’or jaune.
Ainsi, dans ce siècle où tout va vite, dans ce pays de neige, où nous avons une abondance de plantes adaptées à ce que nous sommes, je nous souhaite de renouer avec la douceur et la puissance tranquille des plantes.
Manon Rousseau / 31 décembre 2015