Un souhait!

Début 2019, j’écrivais ceci en guise d’intention pour l’année à venir: « Et si j’avais l’audace de dire oui, de tout accueillir, de ne pas intervenir, de ne rien contrôler, juger ou réprimer, si j’acceptais d’ouvrir les bras, les mains et le cœur à ce qui se présente, sans discriminer ou déterminer ce qui est bon ou non, ce qui devrait être vécu, ressenti, apprécié, estimé. Et si je disais oui à la fragilité, la vulnérabilité lorsqu’elles se pointent le bout du nez. » https://www.manonrousseau.com/2018/01/juste-oui

Fin 2019, je vis un écueil avec une personne qui m’est très chère. Un écueil, que dis-je, un naufrage, dans le sens où je m’échoue trop souvent sur le même rivage et qu’après, j’ai l’impression d’être passée dans une incroyable tempête, de type ouragan et souvent sans l’avoir vu venir. Dans cet espace, même si rien ne bouge autour de moi, en dedans je perds pied, je tangue sous la force de la houle et je me cogne sur les mêmes rochers, que bien évidemment, j’ai tenté d’éviter. Bref, j’en ressors sonner sous la force de l’impact des émotions déclenchées et avec un immense mal de mer.

Or, devant la charge émotive intense, j’ai tenté de nouveau de me convaincre que de retourner dans ces vieilles blessures, que je connais par cœur et sur lesquelles j’ai déjà mis des tonnes de douceur, de bienveillance, de pardon, ne donnerait rien qui en vaille la peine. En écrivant rien qui ne vaille la peine, je mesure la justesse de cette expression : en valoir la peine. Bref, bien que je sache, que je professe et que j’ai maintes fois expérimenté que l’accueil des émotions soit la meilleure chose qui soit, je retiens celles-ci et les contiens en moi, du mieux que je peux. Pourtant, je sais pertinemment que les émotions sont comme les enfants, que lorsqu’on les ignore, elles deviennent « tannantes », dérangeantes et prennent de plus en plus de place. Je sais aussi que ce qui ne s’exprime pas, s’imprime dans le corps. Bref, à presque 59 ans, tant comme personne que comme accompagnante, intervenante, etc., je le sais d’expérience. Malgré tout, je me couche avec tout cela bien contenu, en dormance et ce n’est qu’en priant pour que cette situation trouve un espace de guérison, que j’arrive à accéder au sommeil. Dans la nuit, je me réveille avec l’image de ma cousine / amie que j’aime de toute éternité et dont je me sais aimer.

Le lendemain au réveil, je suis dans un état de fatigue immense, toutes mes cellules sont fatiguées, je ressens une lassitude si intense que j’en suis désarmée dans tous les sens du terme. Je ne comprends rien, je me demande ce qui peut amener tant de fatigue et je panique puisque je reçois près de 20 personnes dans les heures qui suivent. J’ai aussi une incroyable envie de pleurer, une tristesse indéfinissable dont je connais la source et qui ne semble pas être tarie.

Et puis, le téléphone sonne, ma cousine / amie de toute éternité m’appelle, me disant qu’elle pense à moi. J’adore cette synchronicité à l’œuvre dans l’invisible, cette réponse à nos prières secrètes, ces clins d’œil de Dieu qui nous remémorent du fond de nos détresses que nous sommes aimés et reliés. Et lorsqu’elle me demande de mes nouvelles, je commence à dire en toute vérité, ce qui est là tout près, au bord des lèvres.

J’ai la gorge nouée, c’est ce qui arrive lorsqu’il y a un conflit entre la tête et le cœur, entre les 2, un nœud se forme dans la gorge. Toutefois, devant son écoute, sa sollicitude, son amour, la digue se rompt et je pleure en toute sécurité pouvant enfin laisser aller la peine contenue, car ce n’est que cela une immense peine qui a besoin d’être pleurée sur une épaule aimante. Plus important encore, en laissant aller ce qui est, en donnant accès et en libérant la parole et l’émotion, ma cousine très sage me fait un immense cadeau, me donnant une clé, si ce n’est la clé de cette tristesse, permettant tout doucement que la peine se transforme et que la confusion fasse place à la clarté. Après cela, je m’en vais dans le bain, compléter le processus pour bien accueillir ce qui vient de se passer et l’immense sentiment de libération qui suit.

Je suis toujours étonnée lorsque je plonge dans une émotion vive, de constater à chaque fois le parallèle qui existe entre un accouchement et la vie qui bat. Ouvrir le passage, accueillir la tempête, laisser passer à travers soi, avoir peur, douter de notre capacité à affronter les vagues et la souffrance et accueillir l’immense cadeau qui est offert en retour de l’ouverture. Naître à soi-même est une grande aventure, qui vaut le travail et qui nous révèle de grandes vérités qui demeurent cachées si nous n’acceptons pas la traversée.

Ainsi, en sortant du bain, je me sentais toute neuve, la grande fatigue avait disparue, l’émotion était passée, laissant la place à un grand sentiment de paix, le sentiment d’être à la bonne place, au bon moment. J’ai préparé le repas et reçu ma tribu dans la joie et le plaisir d’être vivante. Christiane Singer a écrit « Celui qui a touché ses abîmes et qui a pourtant choisi la vie, met le monde debout », et j’ajouterais se met lui-même debout.

J’avais écrit début 2018 « Si j’acceptais d’être simplement dans la détente et la sécurité, parce que je sais que la vie est de mon côté, que je peux laisser aller, que je suis aimé et que l’amour est ma vraie nature, ce qui me constitue, me traverse et me guide. ». C’est une chose de l’écrire, c’en est une autre de le vivre, quoique les deux soient liées puisqu’il faut le vivre pour l’écrire. Dans ces occasions de dénuement, je redécouvre que ce n’est jamais facile de demander et de recevoir de l’aide, de se sentir totalement vulnérable, même avec les personnes qui nous aiment profondément. Cette position de vulnérabilité est rude pour notre cher égo qui doit complètement s’enlever du chemin, mais lorsque l’on s’abandonne avec authenticité, on reçoit bien plus que ce que l’on avait demandé ou imaginé.

Bref, je vous le partage en toute humilité et sincérité parce que j’ai la certitude de ne pas être la seule à vivre ces passages à gué qui ne le sont pas toujours (gai, vous l’aurez compris).

Ainsi en 2020, je nous souhaite collectivement l’authenticité et l’audace d’oser nos espaces de fragilités, ne serait-ce que pour permettre à quelqu’un qui nous aime de nous donner son réconfort, son écoute bienveillante et son amour. Juste de toucher à cela avec quelqu’un, est un immense cadeau pour l’un comme pour l’autre. Un moment qui scelle les liens, permet le désencombrement, la réouverture du cœur et une vision partagée d’infini. Nous sommes loin de la banalité, de l’insignifiance et de la pauvreté de nos propos qui masquent trop souvent la profondeur de nos sentiments.

Manon Rousseau / 02 janvier 2020

 

 

Une réflexion sur « Un souhait! »

  1. Blais

    quel cadeau je me fais de te lire. tu as les mots ,
    c’ est tellement moi, c’ est tellement vrai que choisir d’ être aidée est un naissance, un co- naître qui renforce les liens et c’ est tellement la fête après.
    MERCI
    Chantal

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