Mi-mai, je ne peux me résoudre à rester à l’intérieur alors que les lilas sont en fleurs et embaument tout de leur odeur suave. Les premiers lilas m’émeuvent à un point tel que je ne saurais le dire, je me sens presque amoureuse. C’est comme l’arrivée de l’aimé, après une longue attente. Je savoure chaque instant, je guette du regard chaque arbre, chaque grappe de fleurs, je m’approche pour humer leur odeur, m’enivrer d’elles, de leur délicieuse beauté… De retour de chez ma fille où j’ai été lui cueillir un joli bouquet avec mes petits enfants et le consentement d’une vieille dame qui les aime autant que moi, assez pour les partager généreusement avec nous, je retourne chez moi avec l’idée de m’en cueillir à mon tour pour embaumer la maison. Il se fait tard, je n’aurais pas le temps, tant pis. Et puis, au détour du chemin, je passe devant une haie de lilas de ma couleur préférée, un monsieur est dehors, il jardine, c’est un signe, je lui demande si je peux en cueillir… Nous en cueillons ensemble, bien assez pour nous deux, il me dit qu’il y a longtemps qu’il ne s’était pas fait ce cadeau. Je reviens les bras et le cœur plein, parfois la vie est si bonne, qu’elle a l’odeur du lilas…
Avez-vous déjà remarqué la perfection d’une seule fleur de lilas. On voit de loin de grosses grappes de couleurs et quand on s’approche, on remarque que chaque grappe est faite de centaine de petites fleurs, chacune d’elle, tant et tellement belles. Tant de beauté m’émeut à chaque fois… Parfois toute la tendresse de Dieu se trouve dans une minuscule fleur de lilas.
Il fait beau depuis plusieurs jours et je m’en vais dans le sous-bois près de chez moi et là, surprise, je tombe sur de la pervenche (quel beau mot PERVENCHE, avant même qu’on ne la trouve belle, son nom est déjà plein de sa poésie), le sous-bois en est rempli, j’en prends un petit bout, respectueusement, pour ramener un peu de sa beauté en mon jardin. Près d’elle, sans que je ne le vois encore, une odeur unique au monde m’indique que près de moi se trouve un cadeau, du muguet en pleine floraison. Si humble et pourtant si troublant. Parfois la vie sent si bon que le cœur nous gonfle de bonheur…
Il pleut et le vert m’appelle, mon jardin et la nature n’ont jamais été aussi verts, plein de pluie et d’azote, j’en brouterais. Irrésistiblement appelée, je mets mes bottes et mon imper et je m’en vais de ce pas jouer au jardin. Le ciel me tombe sur la tête, je suis toute mouillée, pleine de boue, ruisselante d’eau et de terre et là, tout à coup, je redeviens une petite fille, si libre et pleine de joie que je déborde comme le ciel. Parfois la vie est si goûteuse, qu’on mord dedans à pleine dent…
Aujourd’hui, le ciel est tout gris et ma petite fille a le nez qui coule. On se fait un gâteau et une bonne soupe chaude pour déjouer cette journée de printemps qui ressemble à l’automne. Mais ne nous trompons pas, dehors c’est bel et bien le printemps puisque la ciboulette et la livèche sont pleines de vie et toutes vertes et tendres. Oum, soupe à l’oignon à la ciboulette et livèche, potage de grand-mère pour les petites filles au nez qui coule. Parfois la vie goûte si bon, qu’on en prendrait un autre bol…
Mi-mai, depuis l’arrivée du printemps, mes sens se sont éveillés et je regarde autour de moi avec plus d’acuité, j’ai vu la nature s’éveiller, sortir de sa longue nuit, jaillir dans toute sa splendeur, illuminant tout de vie autour de moi. Et encore une fois, la nature m’a rappelé que tout est parfait, la pluie, la lumière, l’ombre où tant de choses commencent, la graine dans le ventre de la terre, l’enfant dans le ventre de la mère. Parfois, il faut demeurer dans l’ombre, comme la graine et l’enfant, pour y puiser des forces, se construire, se défaire, se refaire, pour renaître et émerger pleine d’une vie nouvelle.
Parfois la vie semble si pleine de promesses, qu’on accueille tout comme un nouveau-né. Sortie de l’ombre de l’hiver, emplie de la gratitude du printemps, enivrée des promesses de l’été, prête à entrer de plein-pied dans la beauté lumineuse du mois de juin.
Manon Rousseau/2015
Quel beau texte Manon, je lis et les odeurs me montent aux nez, c’est tout tendre et plein d’amour simple et de joie de vivre.
Mais il faudra que tu me dises comment tu fais pour faire manger de la souper à L’oignon à ta petite fille!
Je ne sais pas ma belle cousine, tous mes petits enfants aiment ça…